Commission d'Enquête Citoyenne
pour la vérité sur l'implication française dans le génocide des Tutsi au Rwanda
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Deuxième journée :

L'armement par la France des auteurs du génocide, les affinités idéologiques, les connivences avec les miliciens, le rôle du capitaine Barril

La Commission d'enquête citoyenne (CEC) a achevé ce mardi l'examen des présomptions de complicité militaire française avec les auteurs du génocide. Elle a considéré le vaste dossier des fournitures d'armes, presque entièrement délaissé par le rapport de la Mission d'information parlementaire de 1998 (sauf quelques documents en annexe, que lui a fournis Patrick de Saint-Exupéry).

Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé avait admis devant une délégation de Médecins sans Frontières n'avoir donné que fin mai l'ordre d'interrompre les livraisons d'armes au camp du génocide - près de huit semaines après son déclenchement, près de deux semaines après le vote d'un embargo par l'ONU. Fin mai, le génocide avait fait plus de 80 % de ses victimes. Et Alain Juppé suggérait à ses interlocuteurs la possibilité que l'Élysée continue d'organiser des livraisons officieuses… D'autres aveux ont été faits de ces fournitures d'armes organisées par la France pendant le génocide : un conseiller du ministre de la Coopération, Philippe Jehanne, le consul de France à Goma, Jean-Claude Urbano. François Mitterrand lui-même le laissait entendre à son médecin Bernard Debré.

Ces livraisons fréquentes à Goma, à la frontière du Rwanda, ont eu lieu durant tout le génocide. Elles se sont poursuivies durant l'été 1994, et même au-delà, à ceux qui venaient d'exterminer un million de personnes. L'examen des fournisseurs, intermédiaires et acheteurs pointe la France ou ses réseaux françafricains - en Afrique du Sud et en Égypte notamment. Le principal acheteur d'armes, le lieutenant-colonel Cyprien Kayumba, a séjourné à Paris et était en contact fréquent avec le pivot de la relation militaire franco-rwandaise, le général Jean-Pierre Huchon.

Surtout, ces armes passaient par l'aéroport de Goma, directement contrôlé par l'armée française entre fin juin et mi-août, ou par des forces zaïroises alliées et supervisées par des militaires français. Dans le premier cas, ces livraisons étaient impossibles sans le consentement français : c'est ce qu'a affirmé le journaliste Franck Johannès, qui avait enquêté sur place à l'époque et qui est venu en témoigner devant la CEC.

La Commission s'est aussi longuement penchée sur le cas du capitaine Paul Barril : la Mission parlementaire a négligé de l'entendre, alors qu'il revendique un engagement multiforme dans le camp génocidaire, et que deux spécialistes (Alison Des Forges et Patrick de Saint-Exupéry) font part d'un contrat de 1 200 000 dollars appelé " Insecticide " pour la formation de commandos dans l'armée du génocide. Or les Tutsi étaient surnommés les " cafards "… La CEC s'est aussi étonnée du rôle considérable en Afrique centrale de ce paramilitaire pseudo-privé, et de son impunité arrogante.

La Commission a constaté la doctrine ethniste d'un certain nombre d'officiers ayant joué un rôle majeur dans l'engagement de la France au Rwanda. Elle a visionné un nouveau témoignage rwandais décrivant la complicité de militaires français avec les miliciens avant et pendant le génocide. La CEC n'accrédite pas a priori ces propos. Cependant, elle estime que l'ensemble des témoignages de rescapés et de miliciens repentis qu'elle a recueillis en mars 2004 au Rwanda et qu'elle projette chaque jour à 15h30 mérite une vérification et des enquêtes complémentaires de la part de la justice et des médias. La France doit faire la lumière sur ces accusations.

La CEC est organisée par plusieurs associations (Aircrige, la Cimade, l'Observatoire des transferts d'armements et Survie). Elle est présidée par le juriste Géraud de la Pradelle. Y participent également l'historien Yves Ternon, Bernard Jouanneau, avocat, et Annie Faure, médecin.