L'ONU va demander à la
France de poursuivre un ex-employé de l'ONU soupçonné
d'avoir participé au génocide rwandais
NATIONS UNIES (AP) - Les Nations unies s'apprêtent
à demander à la France d'engager des poursuites contre un
ancien employé de l'ONU soupçonné dans les meurtres
de 33 Rwandais tués lors du génocide de 1994.
Callixte Mbarushimana, qui a obtenu le statut de réfugié
en France en 2003, dément catégoriquement les accusations
portées contre lui. Le Rwanda a lancé un mandat d'arrêt
à son encontre, pour génocide et crime contre l'humanité.
Depuis un an, les autorités onusiennes ont discrètement
pressé les autorités rwandaises et le tribunal pénal
pour le Rwanda de l'ONU de réclamer son extradition, en vain.
"Nous avons épuisé les possibilités", a
expliqué à l'Associated Press Mark Malloch Brown, chef de
cabinet du secrétaire général des Nations unies Kofi
Annan. "Nous allons demander aux autorités de la France, où
il réside, d'engager des poursuites contre lui".
Des responsables onusiens ajoutent qu'un procès pourrait éviter
à l'ONU de verser 13 mois de salaires obtenus par Mbarushimana
lors d'un jugement administratif rendu en septembre dernier. Les trois
juges avaient estimé que ses droits avaient été violés
par la décision des Nations unies de ne pas renouveler son contrat
quand les accusations de génocide ont commencé à
attirer l'attention au début 2001.
Callixte Mbarushimana, aujourd'hui âgé de 41 ans, a travaillé
pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
au Rwanda de 1992 à 1994 comme technicien informatique. Il a pris
le contrôle du bureau de l'agence onusienne après l'évacuation
du personnel international au début du génocide en avril
1994.
Des témoignages recueillis par le Tribunal pénal pour le
Rwanda affirment qu'il a coché des noms sur des listes de personnes
à tuer, parmi lesquels des collègues de l'ONU. D'après
certains témoignages, que l'AP a pu lire, il aurait tué
deux personnes par balles et serait impliqué dans 31 autres décès,
dont celui de Florence Ngirumpaste, une employée du PNUD, massacrée
avec 11 autres personnes.
Si ces témoignages n'ont pas été recueillis avant
le milieu de l'année 2001, les accusations contre Mbarushimana
avaient fait surface dès 1995, selon d'anciens collègues.
Cela ne l'a pourtant pas empêché d'obtenir d'autres postes
au sein de l'ONU, en Angola en 1996 et au Kosovo en 2000.
Callixte Mbarushimana, qui s'occupe d'ordinateurs à Paris, dément
ces accusations et souligne qu'il n'a jamais été inculpé.
"Je suis innocent de tout ce dont ils m'accusent", a-t-il déclaré
à l'AP. "Ce qui s'est passé au Rwanda est horrible.
Je ne vraiment trouve pas de mots pour le qualifier. C'était atroce.
Et je ne vois rien qui puisse justifier de tels actes de barbarie".
L'ancienne procureur générale du TPR, Carla del Ponte, avait
examiné en 2001 un acte d'inculpation pour génocide, crimes
contre l'humanité et meurtre contre Callixte Mbarushimana mais
avait refusé de le signer. Le TPR, basé à Arusha
en Tanzanie, avait décidé un peu plus tôt de se concentrer
uniquement sur les meneurs du génocide, faute de temps et d'argent.
Mme del Ponte avait assuré l'an dernier que c'était pas
manque de preuves suffisantes que Callixte Mbarushimana n'avait pas été
inculpé. "Nous ne pouvions l'inculper", avait-elle dit.
"Nous n'avions pas assez de preuves".
Les Nations unies ont reconnu un échec total dans la gestion de
ce cas. Un rapport interne du PNUD, ordonné par Malloch Brown quand
il dirigeait l'agence, épingle les Nations unies pour n'avoir ni
poursuivi Callixte Mbarushimana ni lui avoir donné une chance de
se défendre contre les accusations. Le rapport, achevé à
la fin de l'année dernière et que l'AP a pu se procurer,
accuse aussi l'ONU de ne pas avoir protéger ses employés
rwandais lors du génocide et de n'avoir jamais enquêter sur
les meurtres d'un "grand nombre d'employés".
AP / vendredi 24 juin 2005, 21h57
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