Mémoire
et révisionnisme du génocide rwandais en France
Racines politiques, impact médiatique*
Introduction
En avril 1994 et pendant trois mois, plus d’un million de personnes
ont été tuées au Rwanda parce qu’elles n’appartenaient
pas à la bonne « race ». Dans ce minuscule État
africain, culturellement et linguistiquement homogène, les Tutsi,
repérés par le fichage ethnique officiel (cartes d’identités)
ou au faciès (selon les stéréotypes répandus)
ont été systématiquement tués, des vieillards
aux nourrissons. Le viol et la torture avant la mise à mort ont
également été systématisés. C’est
un génocide au sens premier du terme selon des critères
qui s’appliquent à l’extermination des Arméniens
et des Juifs. Pour leurs assassins, les Tutsi, les Juifs ou les Arméniens
ne pouvaient abjurer. Les massacres des Protestants par les Catholiques
(et vice versa), l’extermination de musulmans par les croisés,
n'étaient pas des génocides parce qu’un croyant peut
se convertir, abjurer sa foi. Les Tutsi, les Juifs et les Arméniens
étaient condamner à mourir pour ce qu'ils sont. C'est-à-dire,
dans l’esprit de leurs bourreaux, pour le crime d'être né.
C’est ce qui fait l’immense singularité de ce crime.
Récemment (en septembre 2003) Dominique de Villepin, ministre des
Affaires étrangères de Jacques Chirac, à la suite
de François Mitterrand, a parlé de « génocides
» au Rwanda[1]. Ce pluriel manifestait l'adhésion publique
de l’ancien Président de la République, comme elle
manifeste celle de l’actuel responsable de la diplomatie française,
à la théorie révisionniste dite du «double
génocide». Selon cette théorie, le génocide
des Tutsi du Rwanda serait le pendant d'un «génocide des
Hutu» par la rébellion du Front patriotique rwandais. La
reprise en 2003 d’une théorie révisionniste par une
voix officielle montre qu’il s’agit là pour la politique
française d’un problème majeur, permanent et profond.
L’explication proposée ici à la réflexion des
lecteurs renvoie à l’implication militaire, diplomatique
et financière des autorités françaises dans le génocide
rwandais. Elle évoque aussi la prégnance dans ces mêmes
sphères de l’ethnisme, ce racisme issu du passé colonial
et du néocolonialisme présent.
La « révolution sociale » hutu : une idéologie
génocidaire au Rwanda
Trois constats essentiels peuvent être faits. D’abord ces
massacres de masses ont été organisés, planifiés
et réalisés par des dirigeants corrompus dans le cadre d’une
stratégie politique de maintien au pouvoir. Ensuite, ils ont été
réalisés dans un petit État centralisé et
bureaucratique, où les militaires et les fonctionnaires ont joué
un rôle essentiel d’initiateurs et de coordinateurs. Enfin,
alors que ces tueries auraient parfaitement pu être faites par les
seuls militaires, l’horreur absolue a été atteinte
par la mise en œuvre intentionnelle et calculée d’une
extermination à l’arme blanche impliquant le plus de gens
possible. Outre les milices, formées dans ce but, les paysans hutu
ont été encadrés et mobilisés par les autorités
locales pour « travailler » (c'est-à-dire : «
tuer » dans sa formulation tacite) avec les mots d’ordre du
travail communautaire habituel de « défrichage » (autre
formulation convenue). Lorsque des milliers de familles Tutsi étaient
rassemblées dans les églises, les écoles et les stades,
les militaires commençaient l’extermination à la grenade
et aux mortiers, mais la population était conviée à
« finir le travail » à la machette et à la houe.
Après le génocide, les biens des familles massacrées
étaient répartis par les autorités[2]. Les Tutsi
n’ont pas été les seules victimes. Le génocide
s’est accompagné du massacre de plusieurs milliers de démocrates
hutu qui s’opposaient à cette entreprise démente.
L’objectif déclarée du Hutu Power était de
réaliser l’extermination de la minorité tutsi en réitérant
et en radicalisant les massacres précédents de la «
révolution sociale hutu » de 1959[3]. Cette idée de
« solution finale au problème tutsi » était
aussi apocalyptique que triviale dans ce pays. Elle était en effet
entretenue dans les mentalités des cadres du régime et des
notables depuis l’instauration de la Première République
hutu en 1961. En 1990 et jusqu’en 1993, les autorités rwandaises
avaient à nouveau testé sa faisabilité en organisant
a plusieurs reprises des massacres à caractère génocidaires
contre la population civile tutsi, notamment contre la communauté
marginale des Bagogwe. Le soutien des Français qui encadraient
et formaient leur armée au camp de Bigogwe, dans la région
de ces massacres, ne leur fit pas défaut et la communauté
internationale ferma les yeux. Le message du « conflit interethnique
» rendait ces horreurs acceptables. Le choix de l’arme blanche
devait avaliser la « nature tribale, récurrente et atavique
» de ces crimes racistes, et ainsi dédouaner les complices
français qui ont fourni aux tueurs grenades, munitions et armes
légères, mais précisément pas de machettes[4].
Il s’agit d’un choix opérationnel qui prend en compte
les futures opérations de communication, comme celle d’Antoine
Glaser et Stephen Smith, deux journalistes proches des services français
: « Les bras qui ont coupé en morceaux hommes, femmes et
enfants étaient rwandais. Ce n’étaient pas des bras
de pantins. Ce n’étaient même pas des bras armés
par nos soins. Car comble de l’horreur, pour leurs victimes, les
tueurs se sont servis de machettes et non pas des armes à feu que
nous leur avons livrés abondamment »[5]. Ce message, la communauté
internationale devait l’agréer comme elle l’avait déjà
fait pour des précédents massacres historiques de Tutsi.
Les victimes du génocide devaient rejoindre celles de la «
révolution sociale », englouties dans la nuit rwandaise.
« Qui parle encore aujourd’hui du massacre des Tutsi de 1959
à 1965 ? » devaient penser les organisateurs de cette gigantesque
tuerie et leurs complices[6].
La négation, élément constitutif du génocide
Malgré toutes les tentatives pour nier le génocide au moment
de son exécution, malgré les souffrances indicibles des
victimes, cette réalité « impensable » commence
à être pensée, elle émerge doucement. Les livres
de témoignages et d’analyses se multiplient. D’un autre
côté, les négationnistes sont plus virulents que jamais.
Ils sont même présents dans l’enceinte du Tribunal
pénal international pour le Rwanda chargé de juger les organisateurs
du génocide (le TPIR d’Arusha) ce qui est un comble. Dans
une conférence organisée aux Champs-Élysées
avec l’Association des avocats de la défense du TPIR, Rety
Hamuli, l’avocat du présumé génocidaire André
Ntagerura, en complet accord avec les autres avocats présents :
Jean-Yves Degli et Raphaël Constant, expliquait à l’auditoire
qu’il n’y avait aucune preuve du génocide[7]. En France,
le malaise est persistant, le deuil n'est pas fait, les responsabilités
politiques et militaires ignorées. Le Sénat français
a même donné une salle pour une conférence négationniste
enflammée où Marie-Roger Biloa pouvait affirmer à
la tribune « qu'elle a été l'un des premiers journalistes
a affirmer qu'au Rwanda, il n'y pas eu de génocide, et que les
autres commencent à s'en rendre compte »[8]. Les négationnistes
s’agitent et s’activent partout à l’approche
du dixième anniversaire du génocide, mais c’est en
France qu’ils sont le plus virulents. Ils multiplient à Paris
et en province conférences de presse, colloques, débats
et réunions, y compris avec le parrainage d’Amnesty International[9],
manquant de peu celui du CNRS[10]. Si l’on trouve dans la sérieuse
revue Politique africaine un article expliquant qu’il ne s’est
agit que de « pogroms populaires, spontanés et aléatoires
», « une forme de jacquerie »[11], si l’on continue
aujourd’hui de dissimuler un génocide reconnu par l’ONU
sous ce même concept de lutte tribale, c’est qu’il y
a bien un problème sous-jacent.
La question de la complicité française dans une telle horreur,
lorsqu’elle est encore très exceptionnellement posée,
reste dans le flou. D’ailleurs, qui peut y croire ? Comment des
dirigeants honorables et respectés auraient-ils pu s’engager
dans une telle abomination, après la Shoah, après le «
plus jamais ça » unanime des Nations ? Et par conséquence,
engager « la France » avec eux ! Mais les faits sont là,
même s’ils sont difficilement audibles. Un soutien français
multiforme a aidé les autorités rwandaises pendant qu’elles
réalisaient le génocide. Les dirigeants français
ont reçu à l’Élysée et à Matignon
les représentants de l’État génocidaire rwandais,
le 27 avril 1994, au moment où cet État procédait
depuis près d’un mois à l’élimination
de la composante Tutsi de la population. L’idée qui vient
immédiatement à l’esprit, c’est qu’ils
ne savaient pas. Mais cet argument n’est pas plausible. La déclassification
des archives américaines du Pentagone a révélé
que même les dirigeants américains étaient informés
du génocide qui se préparait bien avant son déclanchement[12].
Les dirigeants américains n’étaient pas aussi impliqués
que leurs homologues français au Rwanda. Ils n’avaient ni
les forces militaires, ni autant d’agents de renseignements présents
dans ce pays[13]. De nombreux acteurs politiques français ont d’ailleurs
reconnu qu’ils n’ignoraient rien de la menace qui planait
sur la communauté tutsi. L’ambassadeur Georges Martres expliqua
même à la Mission parlementaire d’information que «
le génocide constituait une hantise quotidienne pour les Tutsi
»[14]. C’est en toute connaissance de cause qu’ils ont
soutenus les extrémistes hutu pendant la phase d’extermination
et qu’ils ont poursuivit discrètement ce soutien après
qu’elle eut été réalisée, cela de façon
importante jusqu’en 1997[15].
L’idéologie raciste en France : cette condition nécessaire
à la réalisation du génocide devient l’outil
de sa négation
Bernard Debré, ministre de la Coopération de novembre 1994
à mai 1995, expliquait à qui voulait l’entendre que
les Tutsi veulent conquérir un Empire en Afrique Central avec leur
nouveau roi ou « Mwami » : « Nous avons donc, de fait,
un nouvel empire tutsi, avec à sa tête, un ≤Mwami≤
en la personne de Paul Kagame [actuel président du Rwanda], et
une grande fédération tutsi qui englobera certainement dans
les années à venir le Kivu, le Rwanda et le Burundi, et
peut-être une partie de l’Ouganda. Les ≤guerres napoléoniennes
tutsi≤ pour reconquérir les pays des grands lacs ne sont
pas achevées »[16]. C’est précisément
la propagande utilisée au Rwanda par l’État génocidaire,
une sorte de version Hamite des Protocoles des Sages de Sion[17]. Les
« Tutsi », selon l’ancien ministre de la coopération,
dissimuleraient leur visées hégémoniques sous des
apparences démocratiques : « Quant aux Tutsi, ils évitent
soigneusement toute allusion ethnique dans leurs discours. (…) Ils
stigmatisent la violence et l’anarchie qui règne dans le
pays. Ils prônent fortement, la bouche en cœur, la démocratie
et la liberté…. Qui s’élèverait contre
? »[18]. Cette phrase est importante, car elle révèle
une globalisation raciste et une diffamation à l’encontre
d’un groupe humain, dont elle sous-entend la fourberie. Dans Mein
Kampf , Hitler pointait une autre « duplicité » : «
Pour dissimuler ses menées et endormir ses victimes, il [le Juif]
ne cesse de parler de l’égalité de tous les hommes
sans considération de race et de couleur…. Il a, en apparence,
pour but d’améliorer la condition des travailleurs ».
Il ajoutait lourdement : « En réalité, sa raison d’être
est de réduire en esclavage et, par là, d’anéantir
tous les peuples non juifs… »[19].
Nous ne comparons pas pour autant Bernard Debré à Hitler
! Mais la conquête par « les Tutsi » d’un «
Empire Hamite » est bien la thèse centrale de son livre.
Ce qu’il nous paraît personnellement extraordinaire, c’est
que cinquante ans après la défaite de l’Allemagne
nazie on peut encore écrire en toute candeur ce genre de propos
sur un groupe humain que l’on veut stigmatiser et dévaloriser.
Si les Tutsi de Debré ressemblent aux Juifs de la propagande antisémite,
ce n’est pas une coïncidence. L’ancien ministre reprend
les pires thèses publiées dans la presse hutu extrémiste
ou propagées par le principal organe de propagande du génocide,
la Radio des Mille Colline (RTLM). On peut donc supposer que le spécialiste
de la prostate de François Mitterrand, devenu responsable de la
Coopération française par la grâce du Prince, s’est
fait briefer par les officiers issus des RPIMa (Régiment parachutiste
de l’infanterie de marine, fer de lance de l’ex-coloniale).
Car cette propagande a été distillée et instrumentalisée
autant par les extrémistes du Hutu Power que par le lobby militaro-africaniste
et les services secrets français[20].
Robert Galley, ministre de la Coopération de 1976 à 1981,
nous donne à son tour un aperçu de la prégnance de
ces idées raciales alors qu’il a été au cœur
même du dispositif français des relations avec l’Afrique
et le principal artisan des accords de coopération avec la République
hutu d’Habyarimana. Quatre ans après le génocide,
il explique encore que les Tutsi forment « un peuple intelligent
et fier, de très bons guerriers, qui n’a rien à voir
avec les hordes de pauvres bantou (…) ». Il insiste sur leur
intelligence. Ainsi dans l’enseignement « les sœurs et
les professeurs préféraient probablement les Tutsi parce
que, d’une manière globale, ils étaient intelligents
». En revanche le Tutsi est, explique-t-il, un féodal dominateur
: « son ambition [du FPR][21] était de rétablir l’ordre
antérieur, c’est à dire la domination d’une
minorité tutsi sur un peuple destiné à demeurer un
peuple de travailleur ». Et l’ancien ministre de la Coopération
ajoute : « Il existe donc une logique de domination des Hutu par
un peuple tutsi intelligent et guerrier »[22]. Haut responsable
du Quai d’Orsay, Paul Dijoud, directeur des Affaires africaines
et malgaches de 1991 à 1992, déclare quant à lui
: « L’échec de la paix paraît en définitive
imputable au FPR mouvement essentiellement constitué de Tutsi,
peuple intelligent, ambitieux, population nilotique installée dans
l'Afrique profonde »[23]. Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères
de 1988 à 1993, ajoute : « Les Tutsi étaient non seulement
de bons guerriers mais de bons stratèges »[24]. Tous ces
discours se greffent sur les portraits stéréotypés,
vulgarisés par la presse française : « les Tutsi sont
fins et élancés, avec le nez droit, tandis que les Hutu
sont lourds et trapus », explique Paris-Match[25]. Stephen Smith,
le journaliste du Monde (ex-spécialiste Afrique de Libération),
présente les Hutu comme le peuple de la glèbe dont la «
diaspora tutsi » veut « l’assujettissement à
la condition d’ilotes -citoyens de seconde zone- au fond des collines-
(sic) pour des générations à venir »[26].
Cette mise en scène de l’ethnisme par la Coopération
et les Affaires étrangères, dont les services secrets assurent
la diffusion, est probablement inspirée par les militaires «
spécialistes de l’Afrique » de l’état-major
qui, selon l’Amiral Sanguinetti, restent en mesure de « contrôler
la coopération militaire, et d’occuper, pour le compte de
l’Élysée - en l’adaptant à ses propres
concepts - une position stratégique sur le continent africain »[27].
Ce sont leurs informations et leurs idées qui structurent les esprits
dans les cellules élyséennes et dans les états-majors.
Le travail magistral de Zeev Sternhell sur L’idéologie fasciste
en France permet de comprendre l’origine de ce racisme et son enracinement
dans la culture française[28] : l’explication psycho-raciale
appliquée à la sociologie et la politique, directement inspirée
des théories du racisme biologique d’Hippolyte Taine, Gustave
Le Bon et Georges Vacher de Lapouge, précurseurs idéologiques
des théoriciens nazis. Ainsi le Professeur Collignon, médecin-major
à l’École de guerre, le professeur Siegfried à
l’Institut d’études politique (de 1947 à 1957)
et leurs affidés ont institutionnalisé une école
de pensées en phase avec le consensus dominant, sans être
jamais désavoués ou critiqués. Barrès et Maurras
en faisaient le pilier de leur antisémitisme. Aujourd’hui,
l’antisémitisme n’est plus politiquement correct. En
revanche sur l’Afrique tout est encore possible. Il reste les «
nègres » à leurs émules comme champ d’applications
de leurs théories.
Des militaires français « spécialistes de
l’Afrique »
Pendant le génocide, les militaires français disaient aux
journalistes présents sur place qu’il s’agissait d’un
« conflit interethnique »[29]. De son côté, le
responsable de la cellule africaine de l’Élysée, Bruno
Delaye (qui a succédé en 1992 à Jean-Christophe Mitterrand),
expliquait à l’historienne Alison des Forges que «
chez les Africains, les massacres étaient une pratique habituelle
qui ne pouvait être facilement éliminée »[30].
Pour justifier son engagement avec les organisateurs rwandais du génocide,
il n’hésitait pas non plus à déclarer à
la presse : « j’ai dû recevoir dans mon bureau 400 assassins
et 2000 trafiquants de drogue. On ne peut pas ne pas se salir les mains
avec l’Afrique »[31]. On comprend mieux pourquoi le déchaînement
de l’horreur ne troublait pas davantage les responsables français.
Ils s’étaient engagés au Rwanda dans une « guerre
totale » contre le Front Patriotique rwandais (FPR) qu’ils
assimilaient au Tutsi. Une « vraie guerre, totale et très
cruelle » comme le disait avec aplomb le général Christian
Quesnot, chef d’état-major de François Mitterrand[32].
On a probablement là une clé pour la compréhension
de ce qui a rendu possible l’implication française : Chez
ces Autres, et en particulier ces Autres radicalement Autres que sont
pour eux « les ethnies » du centre de l’Afrique, «
un génocide ce n’est pas très important »[33].
La consigne officielle (largement diffusée par le SIRPA, efficace
service de relations publiques des armées) était de dire
qu’il faut laisser les Africains régler leurs problèmes
ethniques entre eux et à leur façon. Quelle curieuse leçon
de non-ingérence, pour des responsables dont le soutien aux génocidaires
s’est prolongé jusqu’en 1996 et au-delà. C’est,
en quelque sorte, du « droit à la différence »
appliqué.
De François Mitterrand à Alain Juppé, en passant
par Hubert Védrine, tous les responsables politiques ont justifié
le soutien que « la France » apportait aux tueurs rwandais
par le fait que « les Hutu représentent 80% de la population
»[34]. Le principal argument utilisé fait donc référence
à la « démocratie raciale », une démocratie
qui serait fondée sur des critères ethniques. Ainsi, de
fait, l’Élysée et le Hutu Power utilisaient la même
propagande, les uns pour justifier leur intervention au Rwanda et les
autres pour pousser la population aux massacres. Il faut donc que cette
conviction soit solidement ancrée dans les mentalités pour
que les dirigeants de la « patrie des droits de l’Homme »,
se disant héritiers de la « France résistante »,
aient pu se faire ouvertement les complices d’une conception ethnique
du pouvoir qui a produit un génocide. Le racisme est aussi utilisé
pour le nier. Ainsi, un ancien conseiller du président Mitterrand
sous-entend que la sophistication qu’implique le terme de génocide
serait inaccessible aux Africains[35]. Il s’agit de continuer à
dissimuler le génocide sous le concept de lutte tribale et de conflit
interethnique. On trouve dans la revue Politique africaine un article
expliquant qu’il s’agit en réalité de massacres
désordonnés, de « pogromes aléatoires »,
l’auteur résume d’ailleurs sa pensée en disant
que des africains qui s’entretuent à coups de machettes,
cela n’a rien à voir avec un génocide : « La
machette d’Afrique de l’Est, la panga, n’est pas une
chambre à gaz »[36]. De toutes façons, « ce
ne sont pas les Français qui tenaient les machettes qui ont tué
plusieurs centaines de milliers de Tutsi » déclarait Charles
Josselin, Ministre de la Coopération[37]. L’amiral Lanxade,
expliquait aux journalistes, alors même que la population civile
tutsi finissait d’être exterminée : « On ne peut
nous reprocher d’avoir armé ceux qui tuent. D’ailleurs
les massacres ont été faits à coup de bâtons,
de machettes, d’armes blanches »[38]. Cette remarque, répétée
à l’envie, en appelle une autre : c’était précisément
dans le cahier des charges des concepteurs du génocide. Réaliser
une solution finale qui puisse s’interpréter en terme de
« fureur populaire » était une condition de sa faisabilité
et de son acceptation.
Une synergie perverse entre deux composantes : un néocolonialisme
militaire et un système maffieux, la Françafrique
La question est de savoir pourquoi le gouvernement français a soutenu
le Hutu power. C’est une question fondamentale. Y répondre
c’est comprendre le fonctionnement de la Françafrique[39].
Étant donné que le Hutu Power a perdu, il semble en effet
que le soutien de la diplomatie française à ce mouvement
était une grossière erreur. Non pas parce qu’il s’agissait
d’un mouvement génocidaire, le machiavélisme françafricain
s’est toujours illustré dans des registres mortifères,
mais précisément à cause de cet échec. En
fait, la Françafrique ne pouvait faire autrement. Le soutien au
Hutu Power est le produit d’une orientation politique lourde, celle
du soutien aux dictatures néocoloniales, de préférence
ethnistes, avec lesquelles l’Élysée a réalisé
de nombreux deals « secret défense ». Par exemple l’armement
de l’Afrique du Sud sous embargo via le Rwanda du président
Habyarimana. Les accords de Coopération militaire liant la France
avec les dictatures françafricaines sont toujours hors du contrôle
du Parlement. Aujourd’hui, l’initiation à la Françafrique
reste un passage obligé pour les dirigeants français. Outre
les briefings des militaires qui assurent la permanence du système[40],
une petite réception chez l’un ou l’autre des dictateurs
françafricains suffit pour éliminer les scrupules pouvant
subsister. Une complicité élitiste et prébendière
s’établit alors sans problèmes moraux à travers
une familiarité triviale où l’on se donne du «
cher cousin », voir même du « papa »[41] associant
une basse flagornerie d’un côté et un mépris
amusé de l’Autre. Le néophyte en repart plus riche
de cette initiation notamment des cadeaux octroyées par le dictateur,
de la traditionnelle valise de billets au pétrolier entier[42].
Quant aux populations africaines spoliées, elles sont politiquement
et humainement inexistantes. Le sort de ces peuples ne les regarde pas,
la spoliation étant dissous dans le paternalisme et le folklore
françafricain. Il reste ensuite à mettre en avant les Instituts
spécialisés dans le développement (dépendant
du ministère de la Coopération) et les ONG humanitaires,
pour améliorer l’image.
La politique de la France en Afrique est le résultat d’une
synergie perverse entre deux composantes bien distinctes et apparemment
sans rapport. D’un côté un système mafieux et
prédateur incarné notamment par l’entreprise Elf (qui
n’est que la plus illustre et la mieux connue des très nombreuses
entreprises et lobbies d’intérêts françafricains).
D’un autre côté des militaires d’extrême
droite, le lobby « militaro africaniste ». Pouvoir au sein
du pouvoir, implanté au cœur de l’État, c’est
l’âme de la politique africaine avec ses traditions coloniales
fortes et une permanence qui le situe au-delà des fluctuations
et contingences politiques. Ainsi, un petit groupe d’officiers extrémistes
et racistes dispose d’un pouvoir de nuisance considérable
que l’on peine à imaginer. Ils contrôlent en effet
de nombreuses instances de décisions, d’information et d’intervention,
notamment les services secrets. Leur existence est quasi-invisible, bien
que parfois dénoncée[43]. Elle apparaît surtout à
travers leurs actions en Afrique[44]. L’Élysée est
le chef d’orchestre entres ces deux composantes, l’une affairiste
et l’autre idéologique. Mais contrairement aux apparences,
ces composantes ne sont pas si éloignées qu’il le
paraît. Il existe entre elles de nombreuses passerelles : les militaires
de la première finissent souvent embauchés à prix
d’or dans les sociétés de la seconde. Ainsi Michel
Roussin, officier de renseignement, passé chef de service au ministère
de la Défense en 1980-81, puis ministre de la Coopération
en 1993-94, devient en 1996 président de SAE International, une
filiale du groupe Eiffage. En 1998, il obtient un poste d’administrateur
à la Compagnie minière Comilog, sous filiale du Holding
public ERAP. Enfin, depuis 1999, il travaille pour Vincent Bolloré
second conglomérat françafricain après Elf-Total.
L’itinéraire du Général Jean Heinrich est non
moins explicite. Chef du service action de la DGSE en 1987-1990 et directeur
du Renseignement militaire (DRM) de 1992 à 1995, il démissionne
et devient directeur de projets de la société Geos où
se retrouvent nombre de ses anciens subordonnés du 11ème
Choc, pour rejoindre ensuite le groupe Bolloré avec Michel Roussin.
Dans le cas du soutien au Hutu Power, il est clair que c’est la
composante militaire qui a pris le dessus et qu’elle a gardé
jusqu’à maintenant l’initiative, malgré l’échec
des forces génocidaires et malgré le génocide. Si
le ministre des Affaires étrangères ose encore évoquer
en 2003 un « double génocide », c’est moins le
résultat d’une conviction personnelle que la preuve de l’allégeance
du monde politique français envers un petit groupe d’officiers
extrémistes. Ceux la même qui ont fait de la France l’indéfectible
allié d’un État génocidaire. Scandale au sein
du scandale, ils ont pu monter en 1994 la fausse opération humanitaire
Turquoise qui a donné un nouveau regain à un génocide
finissant, comme l’a constaté sur place Roméo Dallaire,
le commandant de la force de l’ONU[45]. En 2003, ces mêmes
militaires des RPIMa se retrouvent chef d’opération de la
Mission d’intervention européenne Artémis au Congo
Kinshasa. Comment s’étonner que les humanitaires présents
sur place aient dénoncé l’abandon des populations
hema que les militaires français ont laissé massacrer (assimilant
ce groupe aux Tutsi), désarmant unilatéralement l’Union
du Peuple Congolais (UPC) alors qu’ils ménageaient les milices
de tueurs Lendu (assimilant ce groupe aux Hutu). C’est gratuit,
il n’y a aucun intérêt français à défendre
ici. L’idéologie des paracommandos et des officiers issus
des RPIMa, l’ex-coloniale, ses rancunes et ses traditions racistes,
ont réussi à s’exprimer dans ce contexte d’une
force européenne.
Conlusion
Le drame rwandais est un exemple moderne de la collusion entre les pouvoirs
politiques et les médias au Rwanda comme en France. Il met en lumière
les conséquences que peut avoir le contrôle direct ou indirect
de ce quatrième pouvoir par les autorités politiques et
militaires. Au Rwanda on connaît le rôle de journaux tel Kangura
et l’efficacité mortifère de la RTLM, la radio des
Mille Collines, mise en place par des extrémistes proches du pouvoir.
La radio Nationale a joué un rôle moins connu mais aussi
important dans l’appel au meurtre. En France, le travail des médias,
à part quelques exceptions, a été effrayant de soumission
et de complaisance, le journal Le Monde s’étant tristement
illustré à cette occasion. La présentation du génocide
comme un vulgaire et récurrent conflit interethnique, une lutte
tribale atavique au cœur de l’Afrique était le thème
imposé. Sans cette dissimulation, il est certain qu’un drame
raciste de cette ampleur aurait déclenché dès les
premiers jours l’indignation générale, ce qui aurait
rendu sa réalisation impossible.
La négation du génocide est aujourd’hui en France
la conséquence de cette implication française. La compromission
des dirigeants français avec les auteurs de ce génocide
entraîne de multiples conséquences. La presse française
est inféodée au pouvoir, ce génocide l’a confirmé.
Les hommes politiques ne cherchent pas à connaître la vérité,
la Mission parlementaire l’a montré en 1998. La négation
est explicitement ou implicitement soutenus par tous ceux qui n'ont voulu
voire dans le génocide qu'une guerre civile dont ils avaient choisi
un camp, tous ceux qui ont au moins montré par ce choix leur irresponsabilité
et leur incompétence gravissime. Le « pire » aussi
doit être envisagé, comme le passé d’extrême
droite ou les affinités extrémistes toujours actuelles de
certains de ses acteurs. De nombreux décideurs, experts, conseillers,
« connaisseurs de l’Afrique », journalistes et autres
« négrologues », chantres de la coopération
française issus de l'université et des grandes écoles,
refusent évidemment de reconnaître l’implication française
et encore moins d’assumer leur rôle. La négation ou
le révisionnisme est alors une échappatoire, une solution
simple et efficace, évitant tout mise en cause.
Le principal responsable des armées et des politiques était
alors François Mitterrand. Il a pu sur cette affaire du Rwanda
renouer avec son passé de militant de la droite la plus extrême
et assumer une idéologie qu’il a dissimulée mais n’a
sans doute jamais répudiée, comme l’atteste ses amitiés
et diverses affaires. Derrière Mitterrand, il y a tous les services
secrets français, l’état major militaire, tous ceux
qui l’informaient, qui informaient son ministre de la Défense
et celui des Affaires étrangères. Ces agents des divers
services sont toujours là, en place, toujours actifs et n’ont
jamais été critiqués, désavoués encore
moins privés de leurs fonctions. Des fonction cruciales de décision
et d’information. L’État s’abrite derrière
le secret d’État. La négation et/ou le camouflage
du génocide rwandais est, pour ces « hommes de l’ombre
», un devoir imposé.
Jean-Paul GOUTEUX
Juillet 2005
* :
Ce texte est la base de la communication faite à
Kigali en avril 2004 dans le cadre de la commémoration du Xeme
anniversaire du génocide des Tutsi (dernière version [revue
en juillet 2005] du texte Mémoire
et révisionnisme du génocide rwandais en France: Racines
politiques, impact médiatique publié par Amnistia
le 12/02/2004)
Notes:
[1] Voir : http://www.obsac.com/OBSV6N36-SurvVillepinGeno.html
[2] « Au début du génocide, les autorités avaient
gelé les comptes bancaires des Tutsi, probablement dans l’intention
de transférer ces fonds au profit du gouvernement. (…) Les
autorités avaient demandé aux bourgmestres de régler
sans tarder la redistribution des biens et des terres des Tutsi. (…)
Les bourgmestres des communes rurales se préoccupaient surtout
de la redistribution des parcelles cultivables, tandis que ceux des villes,
comme à Butare, attribuaient les maisons, voire des étals
sur les marchés, et ce pendant les mois de mai et de juin. »
Alison Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre, Human Rights
Watch Africa/FIDH, Karthala, 1999. Alison Des Forges est historienne,
professeur à Harvard.
[3] Ainsi qu’ils l’expliquaient eux même, avec un très
large écho dans la population, comme l’ont attesté
les interviews de nombreux cadres et intellectuels hutu. Voir La Nuit
rwandaise, ouvrage cité.
[4] La France était le principal fournisseur d’armes et d’équipements
militaires au Rwanda. Voir : Mel McNulty « French arms, war and
genocide in Rwanda », Crime, Law & Social Change, pages 105-129,
n°33, 2000.
[5] L’Afrique sans Africains, Stock, 1994. Stephen Smith ancien
journaliste à Libération écrit depuis l’an
2000 dans Le Monde et Antoine Glaser est le principal rédacteur
de La Lettre du Continent. Cette proximité conceptuelle visible
à travers leurs articles n’implique pas une subordination
ou une obédience dont nous n’avons aucune preuve matérielle.
[6] Pour paraphraser Hitler (qui parlait des Arméniens). Discours
du 22 août 1939.
[7] « L'attentat terroriste du 6 avril 1994 et le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda », colloque organisé Le 4 avril
2003 à Paris par Charles Onana.
[8] « Demain le Rwanda », colloque sur les Grands Lacs au
Sénat français, salle Monnerville, le 4 avril 2002, avec
notamment l’omniprésent Charles Onana.
[9] « La région africaine des Grands Lacs, Burundi, République
démocratique du Congo, Rwanda », le 25 octobre 2003 à
Strasbourg, avec Charles Onana. Ce dernier venait de se produire à
l’Assemblée Nationale, lors d’une conférence
organisée le 16 octobre 2003 par le Club Afrique sous le patronage
d’Arnaud Montebourg. Il se reproduira encore à deux reprises
à Toulouse avec le sinistre Robin Philpot les 28 et 29 novembre
2003.
[10] Le débat intitulé « Une approche de la vérité
au Rwanda 10 ans après », organisé par le CNRS-média,
prévu pour le 26 novembre 2003, a pu heureusement être annulé
après que les organisateurs aient été informés
des thèses défendues par Charles Onana et ses collègues
négationnistes.
[11] Politique africaine n° 69, mars 1998, pages 109-118.
[12] Ces documents déclassifiés sont consultables sur le
site http://www.gwu.edu/~nsarchiv. William Ferroggiano a utilisé
« The freedom of information act » qui n’a pas d’équivalent
en France. Notons que la presse française s’est empressée
d’en faire de gros titres, les journalistes évitant de poser
la question sur leurs propres dirigeants ! Par exemple, Christophe Ayad
et Pascal Riché écrivaient : « Génocide au
Rwanda : Washington savait », Libération du 22 août
2001.
[13] Les autorités belges et les Nations Unies à New York
étaient également averties trois mois avant. Un officier
belge des renseignements avait signalé en janvier 1994 les préparatifs
d'un massacre imminent de la minorité tutsi, comme l’ont
rapporté le ministre belge de la Défense Jean-Pol Poncelet
et Roméo Dallaire, l'ancien commandant en chef des Casques bleus
de l'ONU au Rwanda. Le Monde du 11-12 novembre 1995.
[14] Audition du 22 avril 1998. Enquête sur la tragédie rwandaise
(1990-1994). Tome III, page 119 (Martres a été remplacé
par Marlaud en 1993).
[15] Date à laquelle les livraisons d’armes aux forces du
génocide exilées au Zaïre et au Soudan n’avaient
toujours pas cessé, ni l’entraînement de commandos
issus des anciennes Forces Armées Rwandaises et des milices dans
les bases militaires françaises de Centrafrique.
[16] Interview au Figaro Magazine du 20 juin 1998.
[17] Il s’agit du « Plan de la dynastie tutsi pour coloniser
le Kivu ». « Ce “plan”, (…) a été
diffusé depuis les années 1960 dans le Kivu, relancé
dans les années 80 par certains services rwandais et orchestré
par la propagande de Kangura, de la RTLM et du régime Habyarimana.
» Jean-Pierre Chrétien, Le défi de l’ethnisme,
Karthala, 1997, page 371. Il s’agit d’un faux grossier similaire
aux célèbres « Protocoles des Sages de Sion »,
manipulation antisémite inventée par la police tsariste.
[18] Bernard Debré, Le retour du Mwami, La vraie histoire des génocides
rwandais, Ramsay, 1998, pages 109-110.
[19] Adolf Hitler, Mein Kampf, traduction française intégrale,
Nouvelles éditions latines, pages 301-325. Cité par Léon
Poliakov, Le Mythe aryen, Calman-Levy, 1971.
[20] Les auditions de la Mission d’information le confirmeront.
Les militaires français parlaient de « Tutsiland »
et de « pays hutu » dans leurs correspondances privées
et mêmes dans leurs directives officielles. Mission parlementaire,
Tome II, annexes, pages 239, 279, 387.
[21] Front Patriotique Rwandais, mouvement composé en majorité
d’anciens réfugiés tutsi qui a mis fin au génocide
en s’opposant à la France qui soutenait le dictateur Habyarimana.
[22] Mission parlementaire. Tome III. Auditions, pages 278, 283.
[23] Mission parlementaire, Tome III. Auditions, page 380.
[24] Mission parlementaire, Tome II, page 233.
[25] Paris-Match, avril 1994.
[26] Stephen Smith, « Génocide, le mot et les morts »,
Libération du 6 au 10 mars 1997.
[27] Antoine Sanguinetti, Supplément n°49 du mensuel de la
Ligue de l’enseignement, mai 1997. Ce militaire français
y dénonce courageusement ce qu’il appelle une « chapelle
hétéroclite de la haine », solidement accrochée
au cœur du dispositif militaire français.
[28] Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste
en France. Éditions complexe, 2000, pages 25 à 37 particulièrement.
[29] Pendant les fausses opérations humanitaires Amaryllis (avril
1994) et Turquoise (Juin, juillet 1994)t.
[30] Dans son livre Aucun témoin ne doit survivre, op.cit.
[31] Le Figaro du 12 janvier 1998.
[32] « Cette guerre était une vraie guerre, totale et très
cruelle ». Mission parlementaire, Tome III, Auditions, pages 341
(1998).
[33] « Dans ces pays-là, un génocide ce n’est
pas très important », déclaration faite par le Président
François Mitterrand à l’un de ses proches au cours
de l’été 1994, rapportée par Patrick de Saint-Exupéry,
Le Figaro du 12 janvier 1998.
[34] On trouvera de nombreuses citations dans mon livre La Nuit rwandaise,
éditions Izuba-Esprit Frappeur, 2002. Les discours actuels n’ont
d’ailleurs pas changés.
[35] Idée explicitement exprimée par Jean-Christophe Mitterrand
dans un entretien à la BBC diffusé dans l’émission
: « The Bloody Tricolor » (Panorama, 28 août 1995).
[36] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « Les séquelles
d’un génocide : quelle justice pour les Rwandais ? »
Politique Africaine, n° 69, mars 1998, pages 109-118.
[37] Entretien à Ouest-France du 17 octobre 1997.
[38] Déclaration faite sur Radio Monte-Carlo, rapportée
dans l’Humanité du 29 juin 1994. L’amiral Lanxade était
le chef d’état-major des forces armées françaises
et responsable de l’opération militaire Turquoise en juin-juillet
1994.
[39] La Françafrique est la manifestation actuelle du pouvoir français
dans ses anciennes colonies, basée sur le clientélisme et
la corruption réciproque. Voir : François-Xavier Verschave
La Françafrique, le plus long scandale de la République,
Stock, 1998.
[40] Alors que les partis au pouvoir et les hommes politiques ne font
que passer, ces militaires cooptés, significativement toujours
issus de l’infanterie de marine (l’ex-coloniale), restent.
[41] Le Monde du 9 décembre 1998 donne en pâture la lettre
de l’avocat Robert Bourgi à son « Papa » Omar
Bongo. Voir Noir silence, pages 202-203 et 473-474, pour les commentaires
de François-Xavier Verschave et Norbert Zongo, respectivement,
sur cette familiarité typique des « élites »
françafricaines.
[42] On peut s’informer de façon cynique sur ces détournements
en lisant La Lettre du Continent, à la faveur de la guerre des
services, ou de façon humaniste en lisant Billets d’Afrique,
le Bulletin de l’association Survie.
[43] Notamment en termes très violents par l’amiral Antoine
Sanguinetti, dans le Supplément n°49 du mensuel de la Ligue
de l’enseignement, comme on l’a vu, ou Jean-François
Bayart, dans Les Temps modernes, n°583, juillet août 1995.
[44] Voir Jean-François Bayart, « Bis repetita : La politique
africaine de François Mitterrand de 1989 à 1995 »,
Colloque des 13-15 mai 1996. in : Sous la direction de Samy Cohen, Mitterrand
et la sortie de la guerre froide, PUF, 1998, pages 251-294.
[45] J’ai serré la main du diable. La faillite de l’humanité
au Rwanda, Libre expression (Canada), 2003, pages 531 et 544.
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