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Lire également: LICG dans Le Monde : Chronique de la
désinformation ordinaire
On peut lire dans la rubrique
« Horizons débats » du journal Le Monde du 23 avril
2004, un article signé du président de lInternational Crisis Group,
Gareth Evans et du Directeur du programme Afrique de cette même « ICG »,
Stephen Ellis. Larticle sintitule « Après le génocide
du Rwanda, la mémoire ne suffit pas ». Dès la première phrase
le ton est donné : « Beaucoup a été dit sur le génocide
de 1994, qui a coûté la vie à quelques 800 000 rwandais ». On notera lartifice
qui revient à minimiser le génocide des Tutsi décrit pas ces mots « qui
a coûté la vie à quelques 800 000 rwandais ». Quelques
Rwandais donc, alors que lONU parle de plus dun million
de Tutsi et que une estimation réaliste, incluant le décompte des jeunes
enfants rendent ce nombre beaucoup plus proche dun million et
demi de victimes (Jean-Paul Gouteux, La Nuit rwandaise, Izuba-LEsprit
Frappeur 2002). Mais là nest pas lessentiel. On lit deux
paragraphes plus loin : « Dans la région des Grands lacs,
entre avril et août 1972, plus de 200 000 Hutu du Burundi ont été
exterminés par une armée composée en très grande majorité de Tutsi,
à la suite dune insurrection manquée ». On notera le
contraste des deux phrases, destiné à séquilibrer sur le plateau
dune balance à comparer les « conflits interethniques ».
Dun côté on oppose « quelques 800 000 Rwandais »
à « plus de 200 000 Hutu ». La précision ethnique
ignorée dans le cas du génocide des Tutsi et mis en avant pour celui
des Hutu. En doublant le nombre de victimes comme le fait habituellement
la propagande ethniste, alors que lONU parle de 100 000. Voici ce que dit le rapport des Nations Unis, Conseil
de sécurité, n° S/1996/682, du 22 août 1996, en conclusion dune
enquête internationale sur les événements de 1972 au Burundi :
« En avril 1972, des Hutu formés à létranger [au Rwanda,
à lécole du Parmehutu] ont perpétré un massacre de plusieurs
milliers de Tutsi, hommes, femmes et enfants, dans la région bordant
le lac Tanganyika, dans le sud du pays, tandis que dautres groupes
armés tenteront dattaquer Bujumbura [la capitale du Burundi],
Gitega [la seconde ville du pays], et Cankuso. Le régime de
Micombero a répondu par une répression génocidaire qui aurait fait plus
de 100 000 victimes [ciblant lélite hutu] et contraint
à lexile plusieurs centaine de milliers de Hutu. » (page
28). Il est donc officiellement
reconnu par lONU que cette répression génocidaire faisait suite
à une série de massacres à caractère également génocidaire. Ceci ne
justifie évidemment pas cette monstrueuse répression, pas plus quelle
ne lexcuse ! Cependant la désinformation distillée par lICG
est manifeste par la façon dont elle présente ces événements. Elle ne
fait que reprendre la propagande éculée des extrémistes hutu qui se
sont servi aussi de cette répression pour justifier tous les massacres
de Tutsi depuis cette date, notamment le génocide doctobre 1993
au Burundi. Un Génocide défini comme tel par cette même commission de
lONU « Autant de considérations qui amènent la Commission
à conclure que les massacres systématiques dhommes, de femmes
et denfants tutsi sur les collines dans lensemble du pays
ne sauraient être mis sur le compte de réactions spontanées, simultanées
de la masse des agriculteurs hutu dirigées contre leurs voisins. Le
fait - établi par les éléments de preuves recueillis que nombre
de simples agriculteurs hutu aient pris part au massacre ne peut être
attribué quà lincitation de leurs dirigeants et à lexemple
donné par ces derniers, dont la présence et les activités partout où
les massacres ont été perpétrés sont attestées pars des preuves surabondantes. »
(page 105). Rien donc que des procédés
triviaux, classiques, de la désinformation ordinaire. On parle « dune
insurrection manquée » pour des massacres à caractère génocidaire.
Si le massacre sélectif des intellectuels hutu au Burundi est une horreur
sans nom que rien ne peut justifier, sa présentation tendancieuse est
inacceptable. En parler sans évoquer les massacres génocidaires de Tutsi
qui venaient dêtre organisés par des cadres hutu sinspirant
de la « révolution raciale » rwandaise nest pas un oubli
innocent. Cest reprendre une vision déformée de lhistoire,
une version intensément propagée par les extrémistes hutu rwandais et
burundais ainsi que par tous ceux qui les soutiennent. LICG est donc pris
sur le fait, désinformant et propageant une propagande ethnique, comme
le montre indiscutablement un rapport établi par une commission denquête
de lONU. La suite de larticle est comme par hasard une apologie
de laction française au Congo « (
) la France a pris
la tête dune réponse internationale en organisant lopération
"Artémis". Cette intervention a sécurisé la ville et laéroport
de Bunia (
). Bénéficiant dun soutien logistique dautres
pays de lUnion européenne, la force de lopération "Artémis"
a presque certainement empêché un génocide en Ituri ». Certes
cette opération a des côtés positifs, mais encore une fois, lICG
livre une information tronquée, en oubliant les protestations scandalisées
des humanitaires présents sur place qui ont dénoncé un abandon des populations
hema. Car ce qui nest pas dit ici, cest que les militaires français
ont laissé massacrer des centaines de personnes appartenant à ce groupe
quils assimilaient aux Tutsi. Ils ont désarmé en revanche unilatéralement
lUnion du Peuple Congolais (UPC) qui représente les Hema. En partant,
ils ont remis ces armes à lOuganda, régime qui armait alors les
milices de tueurs Lendu... Lidéologie des paracommandos et des
officiers issus des RPIMa, lex-coloniale, ses rancunes et ses
traditions racistes, ont réussi à sexprimer dans ce contexte dune
force européenne. Tout larticle est construit pour réhabiliter laction militaire
française en Afrique, brandir lexemple dArtémis et saluer
au passage « lapparition sur le devant de la scène dorganisations
comme lInternational Crisis Group ». Cette ONG est manifestement
programmée pour ce travail. Le gouvernement rwandais avait dénoncé
nommément deux responsables de lICG comme étant des « taupes »
de la France, travaillant à la déstabilisation du Rwanda
[1]
. Le communiqué du gouvernement rwandais
[2]
devait tomber plutôt juste car les deux
membres visés de l'International Crisis Group ont piteusement interrompu
leur travail sur le Rwanda, comme de vulgaires espions démasqués. Ce
type dONG est évidement une cible prioritaire pour les services
spécialisés de la DST ou de la DGSE. Elles constituent un excellent
moyen de jeter de lhuile sur le feu en faisant circuler les rumeurs
et les prophéties puisées dans les milieux hostiles (voir le commentaire
que fait Servilien Sébasoni du rapport de lICG sur le Rwanda de
novembre 2002)
[3]
. Pour illustrer une telle
utilisation dune ONG au service de la politique française la plus
nauséabonde, citons la recommandation express faite par lICG au
nouveau procureur du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda
à Arusha) : « Mettre un arrêt immédiat à lémission
de nouveaux actes daccusation sur les dossiers de génocide et
réorienter lensemble des services denquête vers la préparation
finale des actes daccusation existants de façon à ce quils
soient tous prêts pour les procès à la fin 2004, date initialement fixée
pour lachèvement des enquêtes. » Ainsi, pour les
agents dICG, le devoir de rendre justice aux victimes du génocide
et des massacres de 1994 doit être oublié, au nom du pragmatisme et
du réalisme. L'ICG estime que l'on doit
donc abandonner les poursuites contre les 26 individus recherchés. Pourtant
des responsables de premier plan se trouvent parmi eux. De plus, dautres
responsables importants (qui ne sont même pas sur cette liste) ne sont
toujours pas poursuivis. Le président Sindikubwabo par exemple. Même
s'il est décédé, ce sinistre personnage qui a déclenché le génocide
à Butare, devrait faire l'objet d'un jugement, ne serait-ce que pour
lhistoire et la mémoire des victimes. Dans la préfecture de Gikongoro,
il y a eu de très nombreux de massacres réalisés sous lautorité
du préfet Buciybaruta qui coule des jours paisibles en France. Il n'est
pas poursuivi car il a coopéré de manière exemplaire avec Turquoise .
Le poursuivre ce serait demander des comptes à ceux qui l'ont protégé.
Son sous-préfet, Damien Biniga, nest pas poursuivi non plus. Le
préfet de Butare Sylvain Nsabimana même s'il a pu protéger des Tutsi
(à la façon dont un Papon a protégé des Juifs) a administré le génocide.
Ces trois là sont des responsables primordiaux du génocide. Pour lICG
la justice est probablement un luxe inutile dans un pays comme le Rwanda. Cette recommandation de lICG est la goutte qui fait déborder le vase. Trop cest trop. Son alignement sur les positions françaises est trop visible. Il serait même risible si un article publié dans Le Monde ne touchait pas des milliers de personnes non informés, des lecteurs crédules qui vont assimiler toutes ces désinformations. Pour certains des bailleurs de fonds de cette « ONG », comme le gouvernement français [4] , cest ce qui compte. Gareth Evans et Stephen Ellis ont fait leur boulot. Lorsque le « négrologue » Stephen Smith est en perte de crédibilité, il reste encore lutilisation des ONG et des « French doctors » pour faire passer les messages des officines françaises. LICG rejoint là Amnesty International et Reporter sans Frontière, souvent mis à contribution. RSF a montré quil mériterait son surnom de « Reporters des Services Français » pour son action au Rwanda [5] . Quand lICG se sera trop « grillé » à son tour par ses propres excès au service du pouvoir, il suffira de recourir à une autre association, quitte à la créer de toute pièce comme lassociation lyonnaise Équilibre dont les responsables nétaient autres que des officiers de la DGSE [6] . [1] Pierre Bigras en fait dans lObsac (Observatoire de lAfrique Centrale, sur le Web, le 26 novembre 2002), une analyse soigneuse et documentée. [2] « Ce qui devient de plus en plus évident, cest que des responsables individuels au sein de lICG, comme François Grignon [Directeur du projet Afrique Centrale] et Fabienne Hara [ co-directrice Afrique], ont délibérément utilisé lICG pour mettre en avant lagenda destructeur dorganisation négatives, y compris celui de groupes connus et reconnus comme terroristes, comme lALIR. En fait, lICG et ces deux individus en particulier servent comme agents du gouvernement français dont lattitude hostile vis-à-vis du Rwanda nest un secret pour personne ». [3] Dans lhebdomadaire dARI/RNA : Grands Lac Hebdo n°325-326, du 3 au 16 décembre 2002. [4] Avec la « Fondation Bill et Melinda Gates » et l'humaniste George Soros, entre autres [5] Voir La Nuit rwandaise page 259 de la version illustrée. [6] Ainsi que la déclaré le n°2 de la DST Raymond Nart, Le Canard enchaîné du 28 mars 2001. |