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Françafrique : le rôle de la presse
Les médias français ne s'intéressent jamais aux questions de fond sur l'Afrique. L'image cultivée est celle de l'ethnicité et du tribalisme, c'est-à-dire qu'ils ne parlent que de la forme et des moyens de ces manipulations politiques, jamais des manipulations politiques en elles-mêmes. En France l'opinion est sous contrôle, pas de problème. Et l'opinion européenne, elle aussi, est en passe d'être totalement contrôlée. Ainsi, l'information sur ce domaine est-elle désertifiée, limitée à la langue de bois des discours officiels que critique, très mal, les incompréhensions de la presse contestataire. « C'est le discours de "la France, meilleure amie de l'Afrique", "plus grande donatrice", "patrie des droits de l'homme", "avocate de l'Afrique", tous ces slogans politico-médiatiques que l'on entend si souvent et qui ont encore une étonnante efficacité » . Pour preuve cet entretien avec le rédacteur en chef de La lettre du Continent paru dans Charlie Hebdo dont le titre résume l'essentiel du message de désinformation : « La France n'a plus les moyens de jouer les bon pères de famille en Afrique » ! Charlie Hebdo dans sa livraison du 23 février 2005, publie en effet un entretien avec Antoine Glaser, par Marianne Dautrey et Vincent Rigoulet. Notons que La Lettre du continent est l'antithèse de Billets d'Afrique, le bulletin d'analyse de l'association Survie. La Lettre est une publication bien renseignée, trop bien même ! Par l'information distillée, elle est de toute évidence très proche des services secrets français et pour cela très prisée dans les milieux de la Françafrique. Quant à Charlie Hebdo, il semble vraiment trop facile de rouler ce périodique dans la farine ! Avec Mitterrand le cynisme et le mépris étaient la caractéristique dominante de la diplomatie française. L'utilisation des services secrets, et en particulier du service action de la DGSE dans les pires coups tordus, y a atteint des limites jamais franchies. Le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, est son point d'orgue. Avec la droite, un machiavélisme plus simple s'est remis en place. Dans tous les cas c'est la même politique, une prolongation néocoloniale de la domination française en Afrique, voulue par De Gaulle et réalisée par Jacques Foccart. Le résultat, c'est l'aliénation de tout un continent. Depuis 1958 l'Afrique est un « domaine réservé », où des hommes sûrs sont placés aux endroits stratégiques. La politique du pire est rendue possible par la désensibilisation de l'opinion française, bien contrôlée par des médias. L'enjeu de ce contrôle est énorme pour le pouvoir, car tout changement passe par une prise de conscience des citoyens. Le mépris, le racisme insinué et tous les moyens pouvant distiller cette perception dégradante de l'Afrique sont soigneusement cultivés. Les intellectuels, sauf de rares exceptions, s'abstiennent d'explorer le fonctionnement criminel de la Françafrique. Cette recherche serait pour eux une source d'ennuis, ils ne recevraient aucun encouragement et prendraient plutôt des mauvais coups de milieux africanistes embrigadés. Les discours sur le sujet sont affectifs et convenus, en restant myopes, sinon aveugles, sur les coups tordus de l'ancienne puissance coloniale. Il est dommage que Charlie Hebdo soit embrigadé dans ce petit jeu.
Jean-Paul Gouteux
Message envoyé à Marianne Dautrey suite à l'article paru dans Charlie Hebdo
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